
Cette semaine, je vous propose d’inaugurer une nouvelle catégorie que j’intitulerai sobrement « Que sont-ils devenus ? ».
Éclaircissons d’emblée ce que recouvrera cette thématique : si vous espérez y lire des nouvelles exclusives d’anciennes gloires de la télé-réalité, désolée mais il va falloir continuer à aller potasser Voici chez votre coiffeuse.
Non, l’idée est de faire ici le bilan de la vie (et souvent, hélas, de la mort) de certains vêtements que j’ai pu coudre par le passé. Pourquoi ? Parce que la blogueuse couture (moi la première) est prompte à se jeter sur le mode selfie de son téléphone pour publier son « dernier p’tit top en double gaze cousu d’après the patron de chez Machin Truc ».
(… pour en savoir plus sur ma détestation de la double gaze, viens par là).
Mais plus rares sont les retours sur la durée : portabilité, confort, résistance… Bref, ce que devient le vêtement quand il quitte les spotlights des réseaux pour entrer dans l’ombre de la garde-robe. Eléonore Klein, notre héroïne à toutes (et l’une des créatrices que j’admire le plus), avait commencé un blog un peu dans cette thématique : The Wearability Project, mais qu’elle n’alimente plus (peut-être parce que c’était trop dur à prononcer, déjà ?…)
Pour ma part, c’est l’une des plus grandes problématiques de ma vie de couturière : des réalisations pas toujours aussi durables que je l’espérais benoîtement quand je les ai fabriquées.
Pourquoi, ô pourquoi cette douloureuse éphémérité qui semble frapper de son sceau nos fragiles existences ?!! Question lancinante que je m’en vais explorer avec vous, car c’est moins cher que les 50 balles d’une séance de psy.
L’autre raison de cette envie de revenir sur mon passé couturier, c’est que j’ai supprimé l’année dernière les vieux articles de ce blog, qui remontaient jusqu’à 2012. Dans un vent de renouveau bloguesque, je les avais mis dans la corbeille de WordPress en me disant « je verrai bien si je les réhabilite plus tard ». Et vous savez ce qu’il fait, WordPress, avec le contenu de la corbeille ?!!… IL LE DÉTRUIT. Non mais c’est QUOI ce monde où un ordinateur prend des décisions aussi importantes à ma place ?!! WordPress, je me rebelle contre ton arbitraire qui veut me refuser le droit de tergiverser !! (… Bon, si tu veux savoir ce que signifie « mauvaise foi », voici l’article où je parlais de cette suppression – mais si on n’a plus le droit de changer d’avis, hein !!!)
Bref. Entrons dans le vif du sujet avec cette robe cousue en mai 2013 :

Ha oui… J’avais oublié de vous prévenir. Avant d’atteindre la lumière au bout du tunnel, en acceptant le fait que mon salut capillaire passait par la tondeuse, j’ai eu de longues années d’errance chevelue. Là, en 2013, j’étais dans une phase de déni total où je me prenais pour un Playmobil. N’en parlons pas davantage, c’est encore trop douloureux.

Cette robe provient d’un patron Burda du mois d’août 2012, qui avait plu à beaucoup de couturières car j’en avais vu moult versions à l’époque.
Souvenez-vous : en 2013, nous étions en plein succès de la série Mad Men, qui raconte le quotidien d’une agence publicitaire new-yorkaise dans les années 1950-60. Et bien sûr, nous voulions toute une jolie robe rétro façon Betty Draper (la blonde ci-dessous) pour assortir à notre cuisine en formica, notre mise en plis, nos lunettes papillon et notre mari infidèle.


7 ans après sa réalisation, l’heure est venue de compter les points pour ma robe Betty.
1/ CONFORT ET BONHEUR A PORTER : 2/5
Le seyant était bon à l’époque et il l’est toujours (à peu près), bien que le tissu semble avoir étrangement rétréci dans la zone de la taille car la robe est plus ajustée – aucune explication à ce mystère, pour ma part…

Mais le gros souci de cette robe a été, dès le départ, son coton trop léger (une popeline) qui se froisse rien qu’en le regardant. Je sors de chez moi dans cette robe, je suis pimpante, mes talons claquent, les oiseaux chantent… Je m’assois dans la voiture, je mets la ceinture, je conduis 15 minutes… Et à la sortie, je suis chiffonnée comme un vieux Kleenex, je suis déprimée, mon mascara a coulé et il grêle. Voilà l’effet que m’a fait cette robe à chaque fois que je l’ai portée : l’impossibilité de me sentir « nette » pendant plus de 15 minutes.
2/ PERTINENCE DANS MA GARDE-ROBE : 1/5
HA. On touche là au cœur du problème. La mode fifties, c’est quand même la glorification de la femme-sablier dans toute sa féminité : poitrine gironde, taille de guêpe et fessier rebondi. Moi, j’ai arrêté de me laisser pousser les seins vers 1997, et jusqu’à ce que ma grossesse me rapproche de la partie basse du sablier, j’ai toujours eu autant de courbes qu’un bâton. Au-delà de la seule question de morphologie, j’ai identifié progressivement les tendances stylistiques qui me correspondent le mieux , et le look surféminin Mad Men n’en fait pas partie. Aujourd’hui, mes fondamentaux de la mode me portent vers l’esprit androgyne, le masculin-féminin, les lignes droites, les coupes officier… Et puis ce tissu était trop marqué, avec une identité visuelle trop forte : le vieux rose, les pois marron… Cette robe était une erreur de casting stylistique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard : je n’avais jamais le bon gilet pour l’accompagner, jamais les bonnes chaussures, etc. Donc au final, je ne l’ai pratiquement pas portée.

3/ QUALITÉ TECHNIQUE ET TENUE DANS LA DURÉE : 4/5
La fermeture éclair invisible ne l’était pas tout à fait, les parementures bricolées n’étaient pas irréprochables, mais c’était une bonne réalisation pour mon niveau de l’époque (3 années de pratique). Les modifications que j’avais choisies d’apporter (plis plats à la taille au lieu des fronces du patron) ne fonctionnaient pas trop mal, il me semble. Après, difficile de juger objectivement de la résistance au temps : les coutures ne risquaient pas de craquer puisque la robe a passé le plus clair de ces 7 années sur un cintre (voire dans un sac).

4/ AVONS-NOUS UN AVENIR ENSEMBLE ? 1/5
Bien sûr que non. Je n’ai même pas envie de tailler dedans pour réutiliser le tissu, c’est dire. Peut-être une petite robe pour la petite… PAR CONTRE : je me donne quand même un point pour le choix du patron qui lui, a été plus que validé puisque je l’ai réutilisé ensuite pour deux autres robes. Une grise en molleton avec appliqué inversé (2015), qui aura droit un jour à son propre article de bilan ; et une noire en maille type milano, qui est ma Petite Robe Noire Officielle pour toutes les occasions depuis 2017, et que j’adore – et qui aura peut-être droit à son article aussi, on verra.
Je vous entends déjà, vous les esprits acérés à qui on ne la fait pas, vous les fines mouches qui guettez du coin de l’œil si l’épicier ne laisse pas traîner son pouce sur la balance pendant qu’il pèse vos rillettes. Vous pensez : si elle n’aime pas le style fifties, pourquoi porte-t-elle la même robe dans deux autres versions ?!! Parce que ces deux robes sont en maille unie, ce qui change tout. Tombé, drapé et motif : le résultat d’une cousette est conditionné à 67% par le tissu et à 33% par la technique et le bon seyant. J’aurais pu dire 60/40 à la louche, mais j’aime être précise avec les chiffres bidons.
NOTE FINALE : 8/20 pour la robe Betty. Sans surprise. Cette note basse ne sanctionne pas tant une réalisation, qui en soi n’est pas vilaine (enfin moi je trouve), qu’un combo modèle/tissu non pertinent pour moi.

Conclusion : un vêtement réussi, ce n’est pas simple comme deux coups de surjeteuse. Il ne suffit pas qu’il vous aille physiquement, encore faut-il qu’il habille votre personnalité avec justesse.
Je vous laisse méditer sur cette pensée profonde ; et me dire si les articles « feedback » de ce type vous intéressent, auquel cas je pourrai en publier de temps en temps, car WordPress a peut-être vidé ma corbeille, mais il n’a détruit ni mon âme, ni mes archives photos.
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