
Un peu de féérie dans ta semaine froide et pluvieuse ? Tu veux l’histoire du Pull de Noël ?…

Notre histoire commence alors que notre héroïne, une belle et jeune cadre dynamique qui réussit une brillante carrière dans la finance internationale à Wall Street… Bon, okay, une quasi-quadra fonctionnaire dans le Val-d’Oise, avec des couleurs de cheveux plutôt erratiques et un budget anticernes toujours plus important… Notre histoire commence, disais-je, lorsque notre héroïne pose les yeux sur un modèle de pull qu’elle en tombe direc’ raide dingue amoureuse.

Nous parlons de ce patron de la marque russe Grasser : de moi inconnue jusqu’alors, mais dont les modèles sophistiqués et originaux ne manquent pas d’attrait. Etonnante caractéristique : les patrons sont vendus pour une bouchée de bortsch (en l’occurrence, 120 roubles soit moins d’1,50€) MAIS en taille unique. Donc mieux vaut se référer à leur tableau des tailles pour savoir laquelle choisir sans se planter – mon buste en 36 européen s’avère être un 44 slave, dis donc.
Si ta maîtrise de la langue russe consiste uniquement à savoir dire « na zdrowie ! » (qui est du polonais), alors nous en sommes au même niveau. Il y a bien des photos d’illustration, mais j’avais imprimé les instructions dans une qualité ignoble et je n’y voyais rien. Mais c’est un conte de Noël, et notre courageuse héroïne n’a pas peur ! Elle veut son pull, et puis elle ne voit pas de difficulté majeure dans la construction.

Elle se jette donc à corps perdu dans le montage, en ayant choisi comme matière une maille lurex des Coupons de St-Pierre achetée sur un coup de tête quelques temps auparavant. Le chemin semble sûr : une soirée pour la coupe, une à deux soirées pour la couture, et roulez jeunesse pour se la jouer beauté slave en fin de semaine.

Mais que se passe-t-il, dans les téléfilms de Noël, quand l’héroïne fait preuve d’un excès de confiance un peu arrogant ? La vie se charge de lui mettre cette petite taloche pas volée qui la ramène à un peu plus d’humilité.
La taloche, elle vient de cette maille synthétique qui se détricote à toute vitesse quand elle est un peu trop manipulée : quand on rame, par exemple, à monter un col cheminée dans une encolure en V. Et qu’on a coupé les marges de couture à 0,7mm telles qu’elles apparaissent sur le patron. Et qu’on n’a pas entoilé lesdites marges. Et que les crans n’apparaissent pas bien. Et qu’on monte ça comme une chèvre. Et qu’on essaie de découdre après avoir assemblé au zigzag, ce qui est IMPOSSIBLE dans cette maille.
Ca donne ça, et c’est juste irrattrapable :

Mais c’est une histoire de Noël, il nous faut donc quelques twists pour rythmer la narration. Est-ce que notre héroïne balance son travail à travers la pièce, dans un mouvement d’humeur, en se jurant qu’elle va retourner aller acheter des fringues à H&M comme tout le monde ?… Oui, peut-être. Mais la couture lui a appris la persévérance, alors le lendemain, elle retrousse ses manches… [insérer ici une bande-son énergique avec des cordes et quelques clochettes de Noël]… et elle recoupe les pièces qu’elle a bousillées. Elle agrandit ses marges à 1,5cm et les entoile avec largesse pour éviter le détricotage indésirable. Elle y va en douceur et avec précision, elle se souvient qu’elle sait coudre, et voilà, le pull se monte. Les manches suivent, le parement d’ourlet aussi et on arrive au vêtement fini.

Happy end, penses-tu dans ton cœur de midinette ? Tu parles. Happy end de mes genoux, ouais !
Déjà, la longueur. Notre héroïne (au buste longuet) avait rallongé de 10 cm les premières pièces coupées. Puis, se ravisant, n’avait ajouté que 5cm en recoupant les pièces foirées. 2e twist de l’histoire : le pull, même avec ses 5cm de rab, est toujours incompatible avec tout vêtement n’étant taille haute. Non mais les Russes ont les seins montés directement sur le bassin, ou quoi ???

Mais surtout, l’autre problème, le vrai, le central : la mésalliance tissu-modèle. Le pull Grasser, il est joli et classe parce qu’il est dans ce blanc délicat. On imagine parfaitement Olga, mannequin évanescente et mystérieuse, déambuler avec grâce dans une soirée mondaine en sirotant du champagne.
En rouge kibrille, le résultat n’est plus vraiment le même : moins Olga évanescente, nettement plus Boris soirée disco. Mi-boule à facettes sur pattes, mi-Mère Noël.

Unhappy end ?! Non, pas encore. Bon sang, ce qu’il est long ce téléfilm ! Ce n’est plus un conte de Noël, c’est Guerre et Paix !
Notre héroïne se dit qu’un bijou fort pourrait peut-être changer l’esprit de ce vêtement, et commande sur Etsy cette jolie broche victorienne dans l’espoir de donner un autre style au pull – et de ressembler un peu moins à un Mon Chéri d’1m68. Et elle sonde son armoire à la recherche de ce qu’elle a en stock comme vêtement ajusté à taille haute (spoiler : deux jupes et c’est tout).

En attendant de recevoir la broche, le pull est rangé au fond du placard et… quand le bijou arrive, elle refait un essayage… Et le miracle de Noël se produit !!!! L’ensemble fonctionne !!! Le pull ainsi pimpé lui plaît !!!
… Non, c’est faux. Rien que de me voir en photo, j’ai l’impression d’être une grosse boule de Noël. Je ne sais pas si je le porterai, peut-être une fois au réveillon… Je pourrai faire caméléon devant le sapin.

Je crois que je vais me calmer sur les « pièces fortes » et revenir à des choses un peu plus faciles à porter – dit la fille qui vient d’attaquer une veste de smoking en wax (true story)…
Et sinon, attends deux secondes, avant qu’on ne se quitte : la boule à facettes sur pattes a un service à te demander.
Il se trouve qu’en vrai, je ne rêve pas de devenir héroïne de téléfilm de Noël : mais plutôt d’inscrire « mercière slash prof de couture » sur ma carte de visite.
Comme je l’avais rapidement évoqué dans de précédents articles de blog, j’ai passé une bonne partie de 2020 à initier une reconversion. La couture, c’est plus qu’un loisir en dilettante pour moi. C’est une passion, une obsession et une occupation centrale dans mon quotidien. Et aujourd’hui, même si parfois je rate des pulls, il est temps que je fasse correspondre cette obsession à un métier.
J’y ai souvent pensé, et jusqu’alors toujours renoncé : d’abord parce que je ne me sentais pas forcément légitime, n’ayant pas suivi un cursus « métiers de la mode » ou autre – et aussi parce que j’avais peur que vivre de la couture ne finisse par m’en dégoûter.
Ces six mois de formation ont permis trois choses :
a/ me rassurer sur ma technicité couturière, par de très bonnes notes et un excellent retour de mes formatrices,
b/ acquérir de nouvelles connaissances vraiment pro sur la construction et le montage du vêtement,
c/ réaliser que je pouvais parfaitement dédier 20h par semaine à la couture sous un angle professionnel (en plus de mon boulot actuel), et avoir encore hâte de m’y remettre le soir en rentrant. Aucun écœurement en vue : à ce stade, ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage.
Je travaille donc à transformer mon rêve en réalité professionnelle : ouvrir THE lieu que j’aurais adoré trouver près de chez moi quand j’ai commencé à coudre. Une mercerie originale et éthique, où l’on peut apprendre à monter une poche passepoilée dans les règles dans l’art, mais surtout dans la bonne humeur. Et puis, un certain virus étant passé par là, ce lieu aurait également une extension en ligne pour éviter de devoir fermer ses portes avant même de les avoir ouvertes.
Après quinze années de fonction publique, tu peux imaginer comme l’expression « sortir de sa zone de confort » prend un relief inédit pour moi.
Bref ! Et là j’ai besoin de toi, lectrice(-eur, la maison n’est pas sectaire) car toute préparation d’entreprise commence par : une bonne étude de marché. J’ai donc élaboré un petit questionnaire (accessible d’un clic ici), qui prend 5 minutes de ton temps, et qui va me permettre de mieux cerner les besoins de ce que le marketing appelle ma « cible » : les personnes qui cousent ou envisagent d’apprendre. Si tu te sens concerné(e), clique donc et laisse-moi lire les tréfonds de ton âme en seize questions Google Forms steuplé.
Bon, et si ça t’intéresse, je peux tenir mon lectorat au courant de la suite de cette aventure qui va m’occuper une bonne partie de 2021. Si jamais ce n’est pas le cas, je prends l’engagement solennel de maintenir un quota de 37% de blagounettes pour que tu y trouves quand même ton compte.
MERCI BEAUCOUP de cette contribution qui me sera précieuse !
Ho ho ho ! Il ne me reste plus qu’à te souhaiter de merveilleuses fêtes de fin d’année avec de la neige, de l’amour, du chocolat chaud aux guimauves, un grand feu dans la cheminée, de beaux cadeaux scintillants, les 5 membres de ta famille que tu préfères et un gros bidon de gel hydroalcoolique.
Joyeuses fêtes à tous et à bientôt !

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